Accueil Actualités Commission parlementaire de l’Agriculture : Le secteur agricole a besoin d’une vision

Commission parlementaire de l’Agriculture : Le secteur agricole a besoin d’une vision

La Commission de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et du commerce s’est réunie hier dans la matinée, dans une des salles dédiées du palais du Bardo. La réunion devait plancher sur deux points : financement du secteur agricole et perspective de création de banques coopératives pour le financement des entreprises sociales et solidaires. Sept députés « seulement » étaient absents. Le gouverneur de la Banque centrale y participait en visioconférence.

Pilier de l’économie tunisienne, secteur stratégique, l’agriculture est de plus en plus confrontée à des problèmes récurrents, outre les conditions métrologiques capricieuses, l’endettement des agriculteurs, la faiblesse de leurs revenus due à la baisse constante des prix de vente (stade producteur). Moez Belhaj Rhouma, président de la commission donne le ton : rappel des problèmes du secteur dont les recommandations de l’Etat restées lettre morte. La question du financement étant la pierre angulaire du débat. L’élu a rappelé la mission initiale de la Banque nationale agricole (BNA) chargée de financer les agriculteurs. Or, l’Etat n’y détient que la moitié du capital. L’autre moitié appartenant à des actionnaires privés. Résultat, d’agricole, l’institution bancaire n’en garde plus que le nom. Les prêts accordés aux agriculteurs sont, en conséquence, très réduits, «je ne parle pas des industries agro-alimentaires », a-t-il précisé. Et le député de s’interroger si une des solutions ne consistant pas à garantir les crédits aux agriculteurs. Il suggère également la mise en place de mécanismes de financement préférentiels aux structures économiques, sociales et solidaires.

Le secteur agricole présente de nombreuses difficultés, telles que la limitation des ressources en eau. Sans parler du foncier qui représente un problème à part. La fragmentation des exploitations agricoles, la faible rentabilité de certaines activités agricoles, la faiblesse des revenus des petits agriculteurs, le coût de production élevé et l’absence d’un système qui protège les producteurs contre les fluctuations climatiques. Et un niveau d’endettement très élevé. Cela a entraîné des pertes de production qui ont conduit à l’accumulation de dettes, notamment chez les petits producteurs.

Les mutuelles d’assurance déjà essayées en Tunisie et abandonnées

Marouane Abassi a dit comprendre « la situation de plus en plus précaire des agriculteurs qui n’arrivent plus à rembourser leurs crédits aux banques. Interdits de chéquiers, ne bénéficiant plus de sources de financement, ils entrent dans un cercle vicieux ». Le gouverneur a appuyé son exposé par des chiffres. La législation permet aux banques d’accorder de nombreux types de prêts aux agriculteurs. « A ce titre, le montant des prêts directs et indirects s’élève à plus de 7 MD, avec environ plus de 3 MD de prêts directs et 4 MD de prêts indirects dont bénéficient davantage les organismes liés, tel l’Office des céréales ».

De nombreuses mesures doivent être prises, préconise encore M. Abassi, pour faire face à l’endettement du secteur agricole, tel le rééchelonnement des dettes. Mais ces mesures, reconnaît-il, sont insuffisantes, au regard des résultats. Selon le gouverneur de la Banque centrale,  des lois devraient être amendées pour permettre la création d’un nouveau système efficient. «Nous savons que la loi relative à l’économie sociale et solidaire est importante. Nous n’avons aucun problème. Mais il faut étudier quel est le modèle adéquat pour créer des banques mutualistes. Des études doivent être faites afin de pouvoir présenter un modèle économique conforme à la réalité tunisienne».

Le gouverneur a encore donné l’exemple des mutuelles d’assurance déjà essayées en Tunisie et abandonnées.

« Il ne s’agit pas de mettre en place des mécanismes qui s’avèrent contre-productifs. Il faut sortir du réflexe de faire des lois dont la mise en application est inefficace », a-t-il encore mis en garde. «  Tous les problèmes doivent être étudiés afin de trouver des solutions appropriées. Le débat doit se poursuivre sur le financement participatif avec les spécialistes du métier ». En d’autres termes, M. Abassi s’est montré pragmatique, en expliquant que le problème est plus complexe et qu’il ne faut pas se laisser séduire par les solutions toutes faites.

Dans leurs rôles, les députés ont déploré la souffrance des petits agriculteurs et pointé du doigt les intermédiaires qui s’engraissent sur le dos et de l’agriculteur et du consommateur. L’élu Hatem Mansi a déploré « le traitement discriminatoire de certaines banques à l’endroit des agriculteurs selon leurs régions», a-t-il encore regretté.

Or, le secteur agricole est pratiquement le seul à rester opérationnel depuis la révolution, enregistrant un taux de croissance positif de 4,4%. Sauf que l’Etat, pour avoir délaissé un domaine stratégique, est contraint et forcé aujourd’hui d’importer les oignons et les tomates d’Egypte pour couvrir les besoins du marché national. « Des cultures accusées d’être irriguées avec des eaux non salubres » !

En définitive, cette réunion n’a pas permis d’avancer. Les députés ont essayé de se faire l’écho de leurs électeurs et de leurs régions, rapportant leurs doléances. Le gouverneur de la Banque centrale n’a pas donné de promesses ni d’engagements au problème supposé central qui est celui du financement. Car à chaque problème, les Tunisiens se tournent vers l’Etat pour lui demander plus d’argent. L’agriculture tunisienne a du potentiel.

C’est une certitude confirmée par les professionnels du secteur. Elle vit cependant une problématique complexe et a besoin d‘une vision. C’est une question de souveraineté alimentaire, mais c’est aussi un important relais de croissance. Et puis, comment accepter d’importer les oignons et les tomates, alors que nous sommes censés en produire et même en exporter !

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